Eugène Antoine
PRIEUR BARDIN

(1860 - 1905)

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Oeuvre indisponible à la vente, elle a été proposée dans le cadre de l'exposition "EXPOSITION INAUGURALE AU PAVILLON DE LA REINE JEANNE"

Le port de Marseille, Saint-Victor et Notre-dame-de-la-Garde, 1904

Huile sur toile, signée et datée 1904 en bas à droite.
62 x 92 cm

Provenance : 
Collection privée, Marseille 

 

MARSEILLE, PORTE DE L’ORIENT

Dans les semi-brumes orientales d’une palette qui rappelle celle de l’atypique Félix Ziem, une grand voile passe devant le bassin de radoub.
Entrant dans le port, elle vient de dépasser le Palais du Pharo, le fort Ganteaume et longe les grandes carènes penchées des bateaux qui sont en train d’être réparées, on imagine les calfats à pied d’oeuvre au chevet des grandes carcasses.

Dans le fond, deux bâtiments religieux emblématiques de la cité se dévoilent. Rares sont les tableaux qui adoptent ce point de vue, offrant un panorama des deux monuments réunis. La vieille abbaye de Saint-Victor, que l’on reconnait aisément à sa structure pleine imposante et à ses tours crénelées, et Notre- Dame-de-la-Garde, perchée sur sa colline pour veiller sur la ville.

La lumière d’une fin d’après-midi baigne cet ensemble, permet au peintre d’accentuer certains contrastes et de draper Marseille d’un mystère vénitien. La palette jaunie, rosie, comme auréolée de torpeur, construit une image sensible de l’entrée du port.

Même sous un trait vibrant, les bateaux apparaissent dans un détail extrême, tandis que la ville, au loin, se devine, esquissée.
Tout à fait à gauche de la composition, un rare détail est révélé à celui qui aura observé assez longtemps cette peinture : le pont qui domine les constructions du port a aujourd’hui disparu. Vestige du temps où l’on accédait à Notre-Dame-de-la-Garde au moyen d’un ascenseur, cette passerelle marquait l’arrivée des cabines du téléphérique. Au bout de cette passerelle, des marches conduisaient à la basilique.

L’ascenseur a fonctionné de 1892 à 1967, transportant près de 20 millions de personnes dans l’intervalle, avant que la commodité de la voiture ne dissipe son utilité. Un parking est construit au pied de la Bonne Mère, l’ascenseur délaissé finit par être détruit.

Rares sont les peintres à avoir représenté cette machinerie moderne que fut l’ascenseur de Notre-Dame-de-la-Garde et Prieur-Bardin adopte d’ailleurs un cadrage qui l’élimine de sa composition, privilégiant comme beaucoup d’autres un ancrage plus ancien de la ville, qui permet une rêverie aux accents orientalistes.

La voile au premier plan a d’ailleurs tout des caïques que le peintre a pu observer à Constantinople où il a vécu. Lorsqu’il peint Marseille, Prieur-Bardin n’oublie pas le goût de l’Orient et il ressuscite dans la cité phocéenne, où il s’installe pour finir ses jours, les lumières dorées des mosaïques de la coupole de Sainte-Sophie, une fois pour toutes emprisonnées dans sa rétine et ses pinceaux.